Le Discounted Cash-Flow (DCF en abrégé) est un modèle incontournable de valorisation des entreprises. Dans cet article, nous vous présentons la formule du DCF et discutons ses avantages et inconvénients.
Le DCF en quelques mots
Le Discounted Cash-Flow (DCF) est une méthode classique de valorisation des entreprises. Il consiste à estimer les flux de trésorerie générés (Cash-Flows, en anglais) par cette entreprise, au cours de sa vie. C’est-à-dire que l’on ne s’intéresse pas à son résultat comptable, mais à l’argent qui entre effectivement en caisse.
Une fois ces cash-flows estimés, le DCF propose de les actualiser (discount, en anglais). Précisons tout de suite cette notion d’actualisation. Il s’agit en fait de ramener à sa valeur actuelle un cash-flow futur, pour tenir compte de l’inflation et du risque de ne pas voir ces résultats futurs se réaliser. Un “tiens” vaut mieux que deux “tu l’auras”, non? Ainsi, dans la formule du DCF, le cash-flow de l’année prochaine aura plus de poids que celui de l’année suivante, et ainsi de suite…
Pour estimer la valeur de l’entreprise, il ne reste plus qu’à faire la somme de ces cash-flows futurs actualisés.
La formule du Discounted Cash-Flow
Ceci étant posé, on comprendra mieux la formule du DCF, que voici:
Valeur\:de\:l'entreprise=\sum_{i=1}^\infty {CF_{i} \over \ (1+r)^i}
Où:
- CFi correspond au cash-flow de l’année i, et
- r représente le taux d’actualisation.
Interprétation
Sous cette formule qui peut paraître un peu compliquée, se cache simplement la somme des cash-flows générés par l’entreprise de l’année 1 (l’année prochaine) à l’infini, actualisée au taux “r”.
On peut écrire cette même formule sous la forme suivante. C’est exactement la même chose, présenté différemment:
Valeur\:de\:l'entreprise={CF_{1} \over \ (1+r)}+{CF_{2} \over \ (1+r)^2}+{CF_{3} \over \ (1+r)^3}+ ... + {CF_{n} \over \ (1+r)^n}+...
Exemple
Un petit exemple pour mieux comprendre le Discounted Cash-Flow: imaginons qu’après avoir analysé une société, vous pensez que ses flux de trésorerie seront stables à 100€ tous les ans. Par simplicité, choisissons un taux d’actualisation (“r”) de 10%.
La valeur actuelle des 100€ attendus dans un an est:
{100 \over \ (1+10\%)}=90.91€
Cela revient à dire qu’il vous est équivalent d’avoir 90.91€ tout de suite, ou de placer ces 90.91€ dans la société, dans l’espoir qu’ils vaudront 100€ dans un an.
La valeur actuelle des 100€ attendus dans deux ans est:
{100 \over \ (1+10\%)^2}=82.64€
Et ainsi de suite…
En poursuivant de la même façon pour les années suivantes, on peut déterminer la valeur de l’entreprise, qui est alors:
Valeur\:de\:l'entreprise=90.91+82.64+75.13+...=1000
Reste la question du taux d’actualisation: lequel choisir?
Le wacc ou CMPC
Pour déterminer le taux d’actualisation (le “r” dans la formule ci-dessus), on utilise le wacc (weighted average cost of capital), dont la traduction française est CMPC (Coût Moyen Pondéré du Capital). Il s’agit de la moyenne pondérée du coût des fonds propres et de la dette.
Formule du wacc
Wacc={(FP*coût\:FP)+ (Dette*coût\:Dette)\over \ FP+Dette}
Avec:
FP= valeur des fonds propres
Dette= valeur de la dette
Exemple
Une fois encore, un exemple permettra de mieux comprendre:
Soit une entreprise avec des fonds propres de 100 et une dette de 50. Sa valeur d’entreprise est de 100+50=150. Supposons que le coût de la dette est de 4% et celui des fonds propres est de 8%.
En appliquant la formule du wacc présentée ci-dessus, on obtient pour cette entreprise:
Wacc= {(100×8\%)+(50×4\%)\over \ 150}=6.67\%
Détermination du coût des fonds propres
Le coût des fonds propres correspond à la rentabilité attendue par les actionnaires. Pour le déterminer, on utilise traditionnellement la formule du CAPM (Capital asset pricing model) ou MEDAF (Modèle d’Évaluation des Actifs Financiers) en français. Le MEDAF découle des travaux de William Sharpe et Harry Markovitz dans les années 1960 sur la diversification et la théorie moderne du portefeuille. Les présenter en détail nous amènerait trop loin. Ceux qui souhaiteraient creuser cette question peuvent consulter l’article suivant. Nous retiendrons simplement ici la formule finale concernant le coût des fonds propres:
Rk=Rf+β.(Rm-Rf)
Avec:
Rk = coût des fonds propres (ie rentabilité attendue par l’actionnaire).
Rf = coût de l’actif non risqué (en général, l’emprunt d’État à 10 ans).
β = bêta des fonds propres (risque spécifique de l’action, lié à la volatilité de cette action par rapport à celle du marché).
Rm = rentabilité attendue par le marché (également appelée prime de marché).
Pour intéressante que soit cette théorie, elle n’enlève une certaine part de flou. En effet, le bêta et la prime de risque de marché sont difficiles à déterminer dans la pratique. On retient généralement une valeur de l’ordre de 4 à 5%.
Remarque concernant le coût de la dette
On présente parfois la formule du wacc de la façon suivante:
Wacc={FP*coût\:FP+ Dette*coût\:Dette*(1-T)\over \ (FP+Dette)}
où: T représente le taux d’imposition.
Cela s’explique simplement par le fait que les intérêts d’emprunt étant déductibles des impôts, le coût réel de la dette est le taux d’intérêt versé aux créanciers ajusté de l’économie d’impôt correspondante.
Pour plus de détails sur la relation qui lie taux d’intérêt et évolution des cours de bourse, vous pouvez consulter cet article.
Avantages et inconvénients du DCF
Avantages du DCF
- Une méthode de valorisation fidèle à la réalité. Le Discounted Cash-Flow a le mérite de rappeler la réalité suivante: c’est qu’en achetant une action, on achète une part des flux de trésorerie futurs de la société correspondante, et ce, à l’infini. Ainsi, le DCF est une méthode de valorisation assez intuitive et qui semble objective.
- Une méthode qui met l’accent sur les flux de trésorerie. Le DCF présente également l’avantage de mettre l’accent sur les cash-flows générés par l’entreprise, par opposition à certains modèles qui se limitent au compte de résultats, ou au bilan. Cela a le mérite de valoriser plus fidèlement l’entreprise en tenant compte de son cycle d’investissement.
Inconvénients et limites du DCF
- Difficulté à déterminer les flux de trésorerie futurs. Comment estimer précisément les cash-flows générés par telle ou telle entreprise dans cinq, dix ou cent ans? C’est cette incertitude qui explique les variations des cours de bourse à la hausse ou à la baisse, selon l’idée que se fait le marché – c’est à dire la moyenne des investisseurs – de ces cash-flows futurs.
- Difficulté à déterminer le Coût Moyen Pondéré du Capital, en particulier le coût des fonds propres. Le CAPM fournit un cadre théorique intéressant, mais il présente un certain nombre d’inconvénients. Les hypothèses sur lesquelles il repose ne correspondent pas toujours à la réalité. De plus, le β et la prime de marché ne sont pas des données objectives.
- Forte sensibilité du modèle aux différentes hypothèses. Comme nous venons de le voir, une grande incertitude entoure les hypothèses qui sous-tendent le DCF. Or, le modèle est très sensible à ces hypothèses. Tout particulièrement celles de long terme, qui sont, par nature, les plus difficiles à prévoir. Reprenons l’exemple ci-dessus, d’une entreprise avec des flux stables de 100€ par an, actualisés à 10%. Nous avons vu que la valeur de cette entreprise est de 1000€. Si l’on suppose maintenant que cette entreprise connaîtra une croissance de 5% par an à l’infini, la valeur de l’entreprise n’est plus de 1000€, mais de 2000€, soit 2 fois plus !
Conclusion
Le Discounted Cash-Flow ou DCF est très (trop?) sensible à des paramètres difficiles à déterminer: bêta, prime de risque de marché, cash-flows de l’entreprise à long terme. Dans la pratique, beaucoup de professionnels s’en passent.
Ils s’intéressent essentiellement aux flux générés par l’entreprise dans un avenir proche. Puis ils comparent les sociétés entre elles en utilisant la méthode de valorisation par les multiples. Cette dernière méthode est présentée dans cet article.